1- Ô cité d'Angkor, des temps modernes,
   Tes enfants devant toi se prosternent
   Car tu es la perle, le trésor de l'univers,
   Et la source d'admiration de tous les khmers.
2- Ô cité d'Angkor, emblème de notre apogée,
   Tu as su, dans le temps, garder ta renommée,
   Et aujourd'hui, tu demeures le symbole vivant
   De la gloire passée de la race des VARMAN.
3- Ô cité d'Angkor, chef d'oeuvre des chers ancêtres,
   Merveille de pierre de toute l'humanité,
   De la jungle hostile, un jour tu vas renaître
    Car tes fils et filles se sont solidarisés.
4- Ô cité d'Angkor, joyau de la nation khmère,
   Grâce à toi ta race est resté digne et fière,
   Toi seul pourras ramener toutes les richesses
   Pour les partager au monde en détresse.
5- Ô cité d'Angkor, âme du peuple khmer,
   Nous te devons le bonheur et la vie prospère,
   Car tant que tu vivras sur cette planète Terre,
   Le Kampuchea ne retournera jamais en poussière.

Ly Kim Huy, ingénieur École centrale de Paris.


LES DIX COMMANDEMENTS DU BOUDDHA

  1. Honorer ton père et ta mère;
  2. Avoir un moral élevé et donc s'abstenir de voler, tuer, exploiter, se débaucher et s'enivrer;
  3. Être généreux et charitable;
  4. Être honnête et austère;
  5. Être aimable;
  6. Garder son contrôle;
  7. Ne pas connaître de rancune et de haine;
  8. Avoir un tempérament non violent;
  9. Être patient et tolérant;
  10. Être large et ouvert d'esprit, en harmonie avec le cours des événements et les lois cosmiques.

    Ly Kim Huy


Chant de Paix et Poème de Makhali-Phal ¹

Makhali-Phal a publié, en 1937, un chant de paix, poème dédié au peuple khmer, à l'occasion de la première édition en langue cambodgienne du Vinaya Pitaka, première corbeille du canon bouddhique. Makhali-Phal s'adresse au peuple khmer, mais à travers elle, c'est le peuple qui s'adresse à lui-même une supplique afin de rendre à la civilisation l'âme vivante sans laquelle les civilisations meurent:
«Mon coeur tranquille glorifie mon peuple.
«Moi, fille de khmers,
«Je bondis comme un gaur hautain et libre à la tête de son troupeau,
«Comme un grand gaur royal qui a entendu, sous les lianes de la jungle, l'appel du Bouddha,
«Et qui s'offre à lui avec toute sa harde.
.........................
«Je repousse les morts
«Et je chante aujourd'hui les vivants
«Parce qu'ils sont devenus aussi grands que les morts,
«Je chante aujourd'hui la Vie.»

Dans une courte préface à l'édition de ce Chant de Paix, l'académicien Edmond Jaloux explique ce désir de chanter qu'a Makhali-Phal. «Il peut arriver que certains voix expriment plus qu'elles ne croient vouloir le faire; il peut arriver qu'elles prolongent indéfiniment l'écho des voix mortes et qu'elles soient les interprètes d'âmes anéanties qui désirent à tout prix survivre, dire ce qu'elles ont été et pourquoi elles l'ont été. Cela est peu fréquent en Occident où les races, pendant des siècles, ont permis aux hommes d'agir en leur nom et nullement de s'abandonner à un voeu cosmique. Mais dans l'antique Extrême-Orient, où les foules parlent plus haut que l'individu, on voit renaître de loin en loin ce merveilleux phénomène. C'est ainsi qu'il faut considérer Makhali-Phal ». Le poète chante donc au nom de la collectivité. Elle chante la vie, la parole de la vie:
«La Parole de Paix,
«La Parole qui délivre de la Passion,
«La Parole qui délivre de la souffrance,
«La Parole qui délivre des renaissances,
«La Parole de Compassion,
«La Parole de Pitié,
«La Parole d'Amour,
«La Parole du Bouddha GOTAMA ».

Pour le poète, la parole de la vie, c'est la parole du Bouddha. Il ne faut pas s'en étonner. Makhali-Phal est une bouddhiste. Au-dessus de ces vers, tantôt lourds de répétitions, de redondances conformes au génie khmer, plane la pensée du Bouddha. C'est lui qui, dans l'esprit du poète, a préservé le peuple khmer:
«Un peuple qui n'a pour armée
«Que sa Pensée et sa Foi !
.........................
«Oui, c'est un peuple qui n'est en vérité qu'une âme.
«Un tout petit peuple très pauvre et très doux,
«La pauvreté même et la douceur sur Terre,
«Un petit peuple généreux et confiant,
«Blessé, à travers les siècles, par les yeux obliques de ses voisins,
«En vérité, un petit peuple très simple et très humble ».

C'est à ce petit peuple perdu en Orient que Makhali-Phal va demander de transmettre un message de vie et de pure essence lyrique au monde qui en a besoin:
«Ô Europe, Ô Asie,
«Tristes soeurs jumelles, où allez-vous?
«Ô Europe, Ô Asie, tristes soeurs jumelles,
«Les dieux s'étendent pour mourir sur des gongs plats.
«Ô Europe, Ô Asie, tristes soeurs jumelles,
«Quelles âmes illimitées, liées,
«Buffles ou hommes, meuglent au poteau de sacrifice ? ».

Ici, le poème de Makhali-Phal est devenu universel. Malgré nous, nous tressaillons. C'est un reproche que le poète adresse au monde. Nous nous sentons englobés dans cette misère humaine que l'homme s'est créée lui-même en adorant les idoles Science, Progrès, Raison. Où se trouve le bonheur, le calme et la paix ? Peut-on trouver la paix sans la lumière de l'amour qui regénère, qui vivifie et qui inspire ? Le poète implore son peuple de donner la paix au monde:
«Ô peuple d'âmes, petit peuple khmer,
«Toi qui as tiré de la cendre la seule Parole
«Qui puisse délivrer le monde
«Et tarir les pleurs des dieux, des génies et des hommes,
«Des démons, des bêtes, des arbres et des pierres;
«Ô mon peuple khmer, Ô mon peuple d'âmes
«Toi qui ne fabriques pas d'idoles
«Selon l'esprit des autres nations
«Va, mon peuple, marche sans crainte entre l'Orient et l'Occident,
«Répands, peuple khmer, sur l'Europe,
«Répands, peuple khmer, sur l'Asie,
«La lumière après laquelle soupirent
«Les paradis et les enfers.
«Lumière de la Paix et de l'Amour bouddhiques,
«Que tous les êtres soient heureux ! »

Le poème de Makhali-Phal possède à n'en pas douter un souffle poétique d'envergure. C'est un poème sans âge, presque un peu poème mythique, tant que la tradition et la mission sacrées de sa race y occupent une large place.

¹ MAKHALI-PHAL, chant de Paix, Bibliothèque Royale du Cambodge, Phnom Penh, 1937.